La bataille se fera en cinq critères qui permettent de décortiquer les films. Et fort logiquement, celui qui en remporte le plus sera donc le film à aller voir en priorité cette semaine.
On va dire que c’est l’été et qu’on n’est pas très regardant sur la marchandise. Car, ici, la bataille est d’un niveau pour le moins faible. Du côté de Skyscraper, les différentes affiches du film annoncent clairement la couleur : on a fait un film qui pompe…pardon qui rend hommage aux classiques du genre comme La Tour infernale et Piège de cristal. Après avoir fait tous les « ripoff » possibles du chef d’œuvre de McTiernan (Die hard dans un train, Die hard dans un bateau, Die hard dans un avion,…), les malins scénaristiques hollywoodiens qu’il était temps de faire Die hard dans un building en déplaçant l’intrigue en Chine car économiquement il y a bien plus de billets verts à se faire. Il n’y a rien donc d’original dans Skyscraper que l’on n’a pas déjà vu en mieux par le passé. Mais reconnaissons que les auteurs du script ont tout fait pour que les péripéties s’enchaînent à un rythme élevé pour que l’ennui ne pointe pas le bout de son nez. Quitte à en rajouter dans le n’importe quoi en termes de spectacle pyrotechnique. Mais quand on a comme acteur le seul mec de la planète qui n’a pas besoin de costume pour nous faire croire qu’il est un vrai super-héros, pourquoi se priver.
Pour son énième retour derrière la caméra, Steven Soderbergh se lance, lui, dans une intrigue dont les ressorts dramatiques ont permis d’offrir quelques chefs d’œuvre du cinéma (Shock corridor et Vol au-dessus d’un nid de coucou en tête). On se retrouve ainsi avec un récit très classique de l’héroïne dont la santé mentale est l’enjeu du suspense. Si, dans la première partie, on adhère plutôt bien au point d’avoir une réelle empathie pour la jeune femme plongée dans une sorte de cauchemar éveillé, la seconde partie perd toute ambiguïté et nous détache émotionnellement du sort réservé à la demoiselle.
VAINQUEUR : Skyscraper
Le réalisateur de Dodgeball et Les miller, une famille en herbe face à celui palmé de Sexe, mensonges et vidéo, la trilogie Ocean’s eleven ou encore Erin Brockovich, seule contre tous. Il n’y a normalement pas de match. Et pourtant ! En choisissant de tourner son film à l’i-phone, Soderbergh se tire une balle dans pied. On peut comprendre que le cadre carré et serré se prête plutôt bien pour rentrer dans l’intimité de son personnage principal mais que le film est moche sur grand écran. On pense plus d’une fois à quel point un tournage dans des conditions de « cinéma » aurait donné une intensité tout autre au récit. Au point même de se demander si Paranoia ne sortirait pas grandi d’un visionnage chez soi. Tout le contraire de Skyscraper dont le leitmotiv est dans mettre plein la vue. Avec ses séquences d’action constamment over the top, le film de Rawson Marshall Thurber ne fait jamais dans la dentelle. Rien de révolutionnaire dans son dispositif de mise en scène, mais le bonhomme sait de toute évidence se mouvoir dans ce type de grosse production et a surtout bien compris que son atout numéro 1 est de bien filmer The Rock.
VAINQUEUR : Skyscraper
Pas de souci pour les amateurs de The Rock, la star est égale à elle-même. Du sur-mesure pour le comédien qui, dans une de ses meilleures prestations à date, marie avec bonheur action, comédie et émotion. Cerise sur le gâteau, on est ravi de découvrir que Neve Campbell peut être encore utile au cinéma. D’autant que son personnage évite de n’être juste que la femme de Dwayne. On retrouve même plusieurs fois chez elle cette ténacité qui avait fait la marque de fabrique de son rôle phare, la Sidney Prescott de la saga Scream.
Après son explosion médiatique dans la série The Crown où elle incarne la reine Elizabeth, on attendait de revoir au cinéma Claire Foy. Et la comédienne prouve qu’il était temps qu’on en fasse une héroïne de premier plan (et non la girl d’un risible film avec Nicolas Cage). Bien aidé par un récit qui ne la quitte jamais, l’actrice fait montre d’une intensité de jeu bluffante. Elle est même le seul vrai intérêt du film de Soderbergh, son unique point d’ancrage. Si le film s’oublie aussitôt sorti de la salle, son interprétation reste en mémoire et on a hâte de voir ce qu’elle va nous proposer dans la suite de Millénium où elle reprend le rôle de Lisbeth Salander laissé par Rooney Mara.
VAINQUEUR : Paranoia
L’un commence en douceur et enchaîne les figures imposées du genre pour placer son intrigue sur de (bons) rails (Skyscraper). L’autre débute de manière très intrigante avec cette plongée anxiogène dans un hôpital qui ne semble pas vouloir du bien à notre jeune patiente (Paranoia). Seulement plus les récits avancent et plus les courbes se croisent. Le film de Soderbergh engendre une vraie frustration, voire une nouvelle interrogation sur l’ambition du cinéaste dont on a parfois bien du mal à comprendre les choix de carrière. Si on est tout aussi dubitatif sur ceux de Dwayne Johnson qui a clairement le potentiel de faire mille fois mieux, force est de reconnaître que son Skyscraper ne ment pas sur la marchandise et en a suffisamment dans le réservoir pour contenter son public.
VAINQUEUR : Skyscraper
Soderbergh pourra dire qu’il a fait un film avec un iPhone et qu’il est sorti au cinéma. Dans sa longue et inégale filmographie, cela reste un jalon presque important montrant un artiste tentant d’appréhender son medium de prédilection sous un nouvel angle. Passé l’énorme déception du résultat, Paranoia sera vu ainsi : « Paranoia, c’est quoi déjà ? Ah oui, c’est le film iPhone de Soderbergh ».
On espère que Skyscraper passera vite dans la partie faible de la filmographie de Dwayne Johnson. A l’heure actuelle, c’est plutôt le contraire. De quoi se dire que l’ancien catcheur a encore pas mal de pain sur la planche pour venir un jour concurrencer dans nos cœurs ses illustres prédécesseurs que sont Stallone et Schwarzenegger.
VAINQUEUR : Paranoia
Publié le 10/07/2018 par Laurent Pécha