À l’occasion de la sortie du Suspiria de Luca Guadagnigo, nous avons sélectionné 10 films d’horreur qui ont la particularité d’être tous des remakes d’incontournables du genre. Leur autre point commun : être de sombres bouses.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, on rend hommage à un film hors catégorie, pompon du melon cinématographique en la personne du Psycho de Gus Van Sant et sa prétention sans limite de refaire plan par plan le chef d’œuvre d’Hitchcock. On a laissé aussi de côté le nanardesque Dracula 3D de Dario Argento, l’homme étant toutefois indirectement au cœur de ce dossier comme on va le voir grâce à son compatriote Luca.
Carrie la vengeance (2013) de Kimberly Peirce
Remake de Carrie (1976) de Brian De Palma
Avant le remake, on avait déjà eu le droit à une sorte de suite complètement nulle en 1999. Ici, ce n’est pas beaucoup mieux, mais le film a au moins le mérite d’avoir deux formidables actrices en remplacement de Sissy Spaceck et Piper Laurie en la personne de Chloë Grace Moretz et Julianne Moore. Cela ne fait jamais oublier la virtuosité du De Palma, mais en se plaçant en mode complétiste de films de grandes comédiennes, celui de Peirce se détache très légèrement des concurrents de ce top. À noter que l'on a failli remplacer ce titre par le Fright night de Craig Gillespie (remake de Vampire, vous avez dit vampire ? de Tom Holland), accident de parcours d'un cinéaste qui s'est bien rattrapé depuis avec le remarquable I, Tonya.
Terreur sur la ligne (2006) de Simon West
Remake de Terreur sur la ligne (1979) de Fred Walton
Sans doute le remake du film le moins prestigieux de cette liste (qui figure d’ailleurs en bonne place de notre dossier des bons films méconnus à regarder le soir d’Halloween). Et pour qui n’a pas vu l’original, le film du besogneux Simon West, pourrait presque donner le change. Sauf que d'un petit classique de l’effroi avec son ouverture et final anthologiques, le réalisateur des Ailes de l’enfer signe un thriller lambda qui accumule les clichés. Seule la présence de la jolie et désormais quasi portée disparue Camilla Belle relève un peu le niveau.
Invasion (2007) d’Oliver Hirschbiegel
Remake de L’Invasion des profanateurs de sépultures (1956) de Don Siegel
Après deux excellents remakes (le Kaufman étant tout de même bien supérieur au Ferrara), le chef d’œuvre de Siegel subit les outrages d’une production complètement malade (au point qu’il existe toujours des points d’interrogation sur la paternité de certaines séquences du film) mise en place pour faire la part belle à son duo de stars, Nicole Kidman et Daniel Craig qui passait le temps entre deux Bond. Le réalisateur de La Chute découvre les joies de la fabrication hollywoodienne et se plante dans toutes les largeurs, mais malheureusement pas assez pour parvenir au nanar de compétition. Pour le coup, on se serait bien passé de l’expression « jamais deux sans trois ».
En quarantaine (2008) de John Erick Dowdle
Remake de [REC] (2007) de Jaume Balagueró et Paco Plaza
À peine un an sépare l’original de son remake. Soit l’utilité zéro si ce n’est de permettre à un public américain non réceptif à une langue étrangère de découvrir la redoutable efficacité du film espagnol. Peine perdue tant Dowdle a mis en marche le mode photocopieur sans avoir bien lu attentivement la notice d’utilisation à commencer par le choix de comédiens au visage connu qui annihile pour beaucoup l’aspect caméra vérité du récit. Jamais complètement mauvais, mais toujours totalement inutile. Après avoir retâté deux fois de l’horreur avec aussi peu de réussite (Devil et Catacombes), Dowdle est parvenu à s’épanouir dans le thriller (le très bon No escape et la série Waco).
Poltergeist (2015) de Gil Kenan
Remake de Poltergeist (1982) de Tobe Hooper
Le passage du film d’animation au film live ne se passe pas toujours aussi bien que chez Brad Bird pour ne citer qu’un bel exemple. Prenez Gil Kenan qui nous avait épaté avec le génial Monster house, un des grands films d’horreur à montrer à sa jeune progéniture. Le monsieur a d’abord signé l’honorable La Cité de l’ombre pour se lancer ensuite dans ce remake du film de Tobe Hooper. Sur un sujet finalement assez proche de sa cinglante réussite animée, Kenan se perd allégrement ne parvenant jamais à retrouver la peur qu’avait su créer le papa de Leatherface. Tout est désespérément plat hormis des CGI bien trop visibles. Pour finalement retrouver l’essence de Poltergeist, mieux vaut se diriger vers son proche cousin, le Insidious de James Wan.
Freddy, les griffes de la nuit (2010) de Samuel Bayer
Remake de Les Griffes de la nuit (1984) de Wes Craven
Hollywood aime remaker les films de Wes Craven. Parfois, cela donne une œuvre des plus recommandables et même meilleure sur des bien des aspects que l’original (La Colline a des yeux d’Alexandre Aja). Mais cela peut aussi enfanter une abomination comme c’est le cas ici avec Freddy, Les Griffes de la nuit. On relance à nouveau la photocopie sans avoir réfléchi à la manière dont Craven avait su créer un monde étrange, fascinant et totalement effrayant. On joue la carte de la surenchère, de l’explicatif (les origines de Freddy) et de la punchline lourdingue. Alors qu’on avait peur à l’époque de s’endormir après avoir vu le film, on peut sans souci le faire après ce consternant remake. Et encore mieux, pendant le film. À noter qu’il s’agit du seul film de Samuel Bayer, roi du vidéo-clip (Justin Timberlake, Garbage, The Cranberries,…) qui est revenu depuis fort heureusement à ses premiers amours.
Fog (2005) de Rupert Wainwright
Remake de Fog (1980) de John Carpenter
Cautionné par Carpenter lui-même en mode mercantile (interviewé à l’époque, il balançait un sans équivoque « make me rich »), ce remake d’un des fleurons de la peur des années 80 est le prototype parfait du projet opportuniste qui tente de capitaliser sur une œuvre devenue culte avec les années. Avec son histoire abracadabrante (on n’y a toujours rien compris), ses effets numériques dégueulasses, son absence totale d’idées de mise en scène (le réalisateur a signé avant l’affreux Stigmata et Fog est à date son dernier film) et son héroïne cultissime qui pourrait être à l’origine de toutes les blagues faites sur les blondes (pauvre Maggie Grace), Fog est un prodigieux navet de compétition.
Hantise (1999) de Jan de Bont
Remake de La Maison du diable (1963) de Robert Wise
Chef op d’exception (Pièges de cristal et Basic instinct nous le rappellent sans cesse), piètre cinéaste malgré un début prometteur avec Speed (qui a quand même mal vieilli), Jan de Bont a définitivement enterré sa carrière derrière la caméra avec cet embarrassant remake du film de Robert Wise. À l’heure où la série The Haunting of Hill House cartonne sur Netflix et redonne ses lettres de noblesse à un récit qui avait déjà inspiré au papa de West Side Story un des plus grands films d’horreur de tous les temps, il est presque amusant de se replonger dans ce gigantesque n’importe quoi qu’est Hantise. Superproduction au riche casting (Liam Neeson, Catherine Zeta-Jones, Lili Taylor, Owen Wilson,…) qui ne comprend jamais comment les mécanismes de la peur fonctionnent, le film de Bont est une boursouflure grotesque. Un authentique accident industriel et l’un des plus vilains petits canards de l’écurie Dreamworks. Même Casper est plus effrayant !
La Malédiction (2006) de John Moore
Remake de La Malédiction (1976) de Richard Donner
John Moore est-il le pire réalisateur en activité ? Sans doute pas, mais la question mérite d’être posée quand on aligne des films du niveau de En territoire ennemi (film de guerre complètement débile), Le Vol du Phoenix (cette fois-ci, c’est Aldrich qui se fait remaker atrocement), Max Payne (l’une des pires adaptations de jeu vidéo au monde, c’est dire le niveau de la chose) et Die Hard : belle journée pour mourir (aka on nous a souillé McClane pour l’éternité). Et bien sûr la crème de la crème de l’étron filmique avec ce remake en mode 2 de tension de l’extraordinairement flippant film de Richard Donner. Le seul risque ici est de rire aux éclats devant un festival du jeu des 7 erreurs grande nature où John Moore reproduit de manière consternante toutes les séquences clés de l’original, la timbale étant décrochée par Mia Farrow dans le rôle de la gouvernante satanique (nos côtes ne sont jamais vraiment remises de son triple salto).
Suspiria (2018) de Luca Guadagnino
Remake de Suspiria (1977) de Dario Argento
Avant de dire tout le mal que l’on pense de ce remake du film de Dario Argento, reconnaissons-lui quelques mérites : une très belle affiche, un début intriguant (une bonne dizaine de minutes) et effectivement une vision très personnelle dans la relecture de l’œuvre originale (ce que la plupart des devanciers dans ce classement ne proposent pas, jouant avant tout la carte de la machine à fric plus ou moins opportuniste). Voilà, c’est fini pour les compliments. Place à notre courroux tant les interminables 2h34 nous ont insupportées. Les grands remakes sont parait-il ceux qui parviennent à trahir leur source d’inspiration pour offrir une toute autre vision comme ce fut le cas par exemple en son temps avec les sublimes The Thing de John Carpenter et La Mouche de David Cronenberg. Sauf qu’il y a quelques paramètres à respecter comme celui de garder le canevas principal du film original et continuer à œuvrer dans le genre choisi. De tout ça, Luca Guadagnino s’en fiche complètement et a bien l’intention de se montrer bien plus malin : son Suspiria n’a donc pratiquement aucun rapport avec le chef d’œuvre de Dario Argento hormis quelques lignes qui se voudraient directrices (l’école de danse, la présence de sorcières, l’étrangère qui arrive, les disparitions,…). Clairement à des années lumières d’un cinéma fantastique qui fait peur, Suspiria 2018 part dans la direction du film prétentieux qui cherche sans cesse à imposer une intelligence du regard d’une vacuité inouïe quand on agite un tant soit peu nos neurones (la métaphore sur le nazisme, le discours féministe appuyé comme un pas de danse d’un éléphant bourré à la bière bavaroise). Interminable, donnant des rôles atroces à des comédiennes que l’on adore (Tilda Swinton grimée en vieux monsieur : NOOONNN !!!), offrant un final que toute série Z rêve d’avoir avec des idées et des plans plus laids les uns que les autres (un mois après l’avoir vu, on ne s’est toujours pas remis du look de la mère des sorcières), ce nouveau Suspiria n’est pas juste complètement nul, c’est aussi et avant tout un gros crachat à la face de tous ceux qui aiment profondément le cinéma d’horreur. En prenant l’inspiration dans le titre du précédent film de Guadagnino (Call me by your name), on va se contenter de l’appeler Danse avec les sorcières névrosées.
Publié le 13/11/2018 par Laurent Pécha