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Rien ne reste à Budapest

Interview Xavier Gens pour la sortie de Budapest

Après avoir tourné son premier en France (Frontière(s)) qui est sorti finalement après son premier international (Hitman) et avoir enchaîné plusieurs longs à l’étranger (restés inédits chez nous comme The Crucifixion ou l’excellent Cold skin, Xavier Gens, revient at home pour signer Budapest, soit…une comédie. Un sacré paradoxe pour ce fan de cinéma fantastique. Tentative d’explications !

Nul n’est prophète en son pays, voilà bien une phrase qui résume pour le moment la carrière de Xavier Gens. Et pour cause, ses trois derniers films n’ont pas eu la chance d’être distribués en salles françaises. Et cet amoureux de films d’horreur retrouve le chemin de nos écrans avec Budapest (lire notre critique), une comédie portée par Manu Payet, Jonathan Cohen et Monsieur Poulpe. Mais que s’est-il donc passé ? Comme certains de ses compatriotes habitués du cinéma de genre (Florent Emilio-Siri, Fred Cavayé ou encore David Moreau, tous se sont tournés récemment vers la comédie), le réalisateur de The Divide aurait-il juste cédé et accepté d’entrer dans un univers éloigné de ses aspirations.

Si on se plonge dans ta filmographie, on s’aperçoit que tu enchaînes film perso et film de commande. Et si je compte bien, Budapest tombe dans la seconde catégorie.

Oui carrément, mais je suis très content aussi. J’avais envie de revenir en France, retravailler dans ma langue, trouver des codes français. Et je me suis éclaté à faire le film. Et ce même si je n’ai pas écrit le scénario. Il faut savoir que lorsque je me mets à écrire, cela prend beaucoup de temps. Il me faut souvent entre 3 et 4 ans pour parvenir à mes fins. Et entre temps, c’est aussi mon métier et je dois en vivre et faire vivre ma famille.

 

Même si les deux films restent toujours inédits en France, on a pu voir la même façon de procéder, mais de manière inversée avec The Crucifixion et Cold Skin.

Effectivement, Cold skin, c’est mon bébé. C’est un film que j’ai porté pendant plus de 7 ans. Je ne trouvais pas les moyens pour le faire. Et j’ai accepté de faire The Crucifixion. Cela a permis de débloquer la situation pour Cold Skin car le film s’est assez facilement vendu dans le monde entier. Le financement pour Cold Skin s’est en partie fait grâce au succès de The Crucifixion.

 

Mais comment réussir à ne pas vendre son âme au diable et ne pas être contraint de tourner un truc dont on risque de ne pas être fier ?

Je fais attention, je le sens d’expérience si le projet risque d’être complétement merdique. Pour revenir à Budapest par exemple, j’ai tout de suite senti que le film avait un vrai truc atypique par rapport à la comédie française. Il y avait vraiment une possibilité de proposer quelque chose de neuf. Et puis, même si je ne l’ai pas écrit, j’ai pu glisser plein de références à des films que j’adore. Comme par exemple, cette séquence où Predator est littéralement cité.

interview xavier gens pour budapest

Tout ça en accord avec tes comédiens ?

Bien sûr, ils ont été très cool. La séquence de la femme de ménage dans l’hôtel est un très bon exemple de la manière dont on a pu enrichir le scénario. On a trouvé pas mal de conneries sur le plateau. Comme j’aime bien raconter des conneries, je m’amusais. Dans la vie je suis plutôt un bon vivant et je ne dors pas avec ma tronçonneuse (rire). J’aime bien rigoler avec mes potes et je trouve que Budapest te permet de faire ça.

 

Avec un tel sujet et humour, le risque de faire un copier-coller des comédies US était grand. Or, le film évite constamment ce piège.

On a fait particulièrement attention là-dessus. On en était très conscients. Les femmes doivent sortir grandies du film. On a été très respectueux, en plus pendant la période il y a eu le mouvement MeToo. On s’est dit qu’il fallait qu’on soit modernes dans ce que l’on traitait.

 

Comment avez-vous géré le sujet vis-à-vis du marché télé qui finance en grande partie le film et qui a forcément plus de mal avec des séquences scabreuses ?

On a eu un classement tout public. Même si on a eu quartier libre depuis le début, on savait aussi jusqu’où on pouvait aller. On avait bien conscience de la ligne à ne pas dépasser au risque de perdre une partie du public. On a d’ailleurs mis à la fin du film un code snap avec tous les contenus trash qu’on n’a pas gardés. Le plus important c’est de raconter l’histoire de ces deux mecs qui partent et ont ce succès à Budapest. Plutôt qu’un Very Bad Trip, on est plus proche ici d’un War dogs. L’humour vient de scènes réalistes. On s’est amusés de notre morale. Les mecs ne sont jamais vraiment adultes. C’est grâce aux femmes qu’on se stabilise et qu’on devient plus adulte. C’est ce que le film raconte.

manu payet, jonathan cohen et monsieur poulpe dans budapest

Justement, j’ai trouvé que le conflit avec les femmes arrivait trop tard dans le récit.  

Il fallait qu’on règle d’abord les histoires d’amitié entre eux, puis les femmes, puis les rapports qui se dégradent au fur et à mesure. On ne voulait pas faire un film trop long non plus. On a voulu faire naître de l’humour, français en l’occurrence, sur un film travaillé à l’image, en cherchant l’inspiration chez des mecs comme Todd Philips mais tout en gardant l’ADN français.

 

Etant donné la (non) carrière de tes films au box-office français, Budapest va sûrement être ton plus gros succès.

On aimerait faire entre 400 000 et 500 000 spectateurs. Même si on espère plus toujours. L’avantage, c’est que le film n’a pas coûté trop cher. Et pourtant, on ne s’est pas foutu de la gueule du spectateur. Il y a des choses riches à l’image, on s’est cassé la tête pour avoir une texture et une tenue. Par rapport à d’autres comédies françaises, on a essayé d’avoir une certaine tenue visuelle.

 

Parvient-on à contrôler Monsieur Poulpe ?

Il est hyper pro, il est génial

monsieur poulpe dans budapest

On a l’impression qu’il improvise tout le temps !

C’est beaucoup d’improvisations très travaillées. Deux mois avant le tournage on se posait en salle, on écrivait et on faisait des impros en studio. On testait le texte avec Jonathan, Manu, Poulpe et le scénariste. Quand on trouvait une impro vraiment cool on la mettait dans le script. Quand tu vois Poulpe la première fois dans sa voiture qui parle de Sacha Distel c’était son impro, ça m’a fait hurler de rire ! La force de Poulpe, c’est de n’être jamais vulgaire. Il base son humour sur de l’absurde et de l’inattendu. Cela te fait rire parce que c’est n’importe quoi. C’est ça qui est original !

 

Un peu comme Will Ferrell ?

Oui, on l’adore, mais on n’a pas essayé de le copier. De toute façon, le mec est unique. Poulpe, c’est clairement l’enfant des Nuls. Il est de cette culture-là, il a un rythme, il a un truc de l’humour des Nuls des années 90. On marche sur les mêmes références.

 

Et comme les Nuls se sont beaucoup inspirés du Saturday Night Live où Will Ferrell a fait ses classes, la boucle est bouclée.

Tout à fait. On est dans cette bulle-là d’humour. Ce n’est jamais vulgaire, comme notre film. Il fallait surtout chercher la part enfantine qui sommeille en chacun de nous. Tu enlèves toute notion de vice ou de désir et tu ne gardes que l’innocence. Manu Payet, c’est exactement ça quand il est dans la scène avec la femme de ménage. C’est pareil chez Will Ferrell, tu te dis qu’il est très enfantin !

 

Retranscription faite par Mihail Babus

Publié le 29/06/2018 par Laurent Pécha

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