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Un réal qui en a

Interview Yann Gozlan (Burn out)

Après deux films marqués par le genre (Captifs et Un homme idéal), Yann Gozlan revient avec Burn Out, un film d’action dans l’univers peu exploité de la moto de vitesse. Une franche réussite, bien trop rare dans le cinéma de genre hexagonal, et l’envie donc de connaître ses secrets de fabrication.

burn out - interview yann gozlan

 

Pourquoi avoir opté pour un film d'action ? Ce n'est jamais facile à monter en France.

Même si le film est au final très différent du roman, j'avais été captivé à la lecture par le côté polar sec noir. Dans le roman, le personnage principal était à la fois boxeur et motard. Au départ, je voulais l'adapter fidèlement, mais l'univers de la boxe, même si dieu sait que cela a donné tant de films incroyables, me semblait trop évident, presque convenu. Je ne voyais pas ce que je pouvais y apporter. Je me suis donc concentré sur l'univers de la moto, pour amener, à tort ou à raison, une petite originalité. En me renseignant sur les circuits, en voyant des courses, j’ai découvert un milieu que j’ai trouvé passionnant et propice à un film. Tu as les combinaisons, les châssis, un univers très coloré qui pouvait être chouette. Et comme la moto, je l’associe à l’urgence, la vitesse, le danger, j’ai recentré le récit vers un film d’action, de sensations. C’est venu progressivement. C’est l’univers du bouquin qui m’a amené vers ça.

 

Un pari car qui dit film d'action, dit budget plus important. De plus, ton film se passe la majeure partie du temps la nuit.

Oui, cela a rendu le film plus compliqué à faire. En même temps, c'est ce qui m'excitait en terme de mise en scène. Je voulais faire un trip, sur la vitesse, le danger, c’est vraiment ça.

 

 

La manière dont tu utilises le son est toujours autant surprenante et particulièrement soignée. Ce qui n'est pas vraiment toujours le cas dans les films français. D’où te vient cet intérêt ?

Je sais pas si c’est un intérêt. J’aime beaucoup les films de suspens et thriller où l'on suit un personnage principal, où l'on est constamment avec lui. J'essaie d’être dans sa subjectivité, de voir le point de vue du héros ou de l’héroïne, et le traduire à travers le son. Je trouve que c’est une arme secrète pour un réalisateur, puisque tu touches le spectateur, sans qu’il en soit forcément conscient. Comme quand tu écoutes une musique, tu lances ton Ipod, la musique te met dans un mood hyper triste ou chaleureux. Le son et la musique dans un film sont fondamentales pour te mettre dans une certaine ambiance. Et mon film n'est pas du tout psychologique, il est avant tout sensoriel. C'était donc essentiel de soigner cet aspect là.

 

En revanche, la trame du film est très classique, presque trop parfois. 

Sans que ça soit révolutionnaire, j’ai essayé de soigner les personnages des méchants. Je voulais les typer d’un manière originale, le chef de clan me semble ambigu, pas tout blanc tout noir.

 

 

Je parlais plus du déroulé des séquences.

Oui, mais c’était pour être pris dans quelque chose, d’offrir une expérience sensorielle !

 

On a parfois du mal à accepter le côté accroc à l'adrénaline tant ton héros semble souffrir. On a plus l'impression qu'il vit toute cette aventure comme un fardeau. Il manque selon moi cette séquence où l'on pourrait le voir kiffer un go fast parce qu'il est sur une bécane hyper puissante qui le rend presque invincible.

J'entends, il subit le truc, il tente de mener de front son boulot alimentaire, ses courses pour rentrer dans l’écurie et les go fast nocturnes pour rembourser la dette de son ex. L’intérêt du film pour moi, c’est de malmener ce personnage, mais en tant que spectateur j’ai envie qu’on ressente du kiff. Chez lui, il y a cette envie-là.

 

Interview Yann Gozlan (Burnt out)

 

Et bien, peut-être que tu as trop bien réussi cette partie-là car je trouve que c'est avant tout l'empathie pour le personnage qui ressort. On a tellement envie qu'il s'en sorte et qu'il arrête la spirale infernale dans laquelle il s'est mis.

Tu sais, les motards sont des gens particuliers. Ils font souvent des chutes et je pensais qu’ils étaient traumatisés à vie. Mais en fait pas du tout, ils n'ont qu’une envie, c’est de se remettre dessus. J’ai un pote qui était sur béquilles pendant 5-6 mois après un accident sur le périphérique. Il a subi une rééducations extrêmement dur et pourtant il n'avait qu'une envie : retourner sur une bécane. C'est vraiment comme une drogue et encore plus la nuit avec la vitesse. Il y a un effet d'addiction.

 

Une des grandes forces du film, c'est l'interprétation de François Civil. Comment l'as tu choisi ?

Oui, tout à fait. C’était difficile car il a très peu de répliques, je cherchais quelqu’un qui dégage une forme d’empathie et un magnétisme à l’écran. En plus, il a un côté caméléon où l'on peut croire à la fois à un mec qui a une vie banale et en même temps qui peut vivre des moments héroïques. Je voyais aussi qu’il pouvait être physique. Il s’est vraiment investi corps et âme.

 burn out - manon azem

 

Un mot sur Manon Azem que je trouve extrêmement touchante alors qu'elle n'a pas beaucoup de scènes.

J’avais peur qu’elle soit trop passive, qu'elle soit trop la femme victime. Mais, de par sa stature, elle amène quelque chose de plus masculin tout en étant hyper séduisante et très belle. Je voulais épurer au maximum son jeu. J'avais en tête une sorte de Madone. Comme tous les autres comédiens, je ne la remercierais jamais assez. Ils ont tous été hyper pro. J'ai eu beaucoup de chance.

 

Comment filme t-on les séquences de moto ? Des références ?

Pas mal de documentaires. Notamment un signé dans les années 70 par Pierre William Glenn, qui m’a donné notamment cette idée d'accrocher la caméra sur la moto. Je voulais éviter le côté GoPro du film. On a tourné avec des vraies caméras pour obtenir une vraie texture. On est au cinéma.

 burn out - interview yann gozlan

 

Sur la fin, j’ai l’impression qu’il manque une grande scène de vraie poursuite.

J’étais dans des contraintes, mais aussi ça ne m’intéressait pas, j’ai trouvé ça plus fort qu’il se plante.

 

La scène d'action la plus impressionnante, c'est finalement une séquence de poursuite à pieds, tout en plan séquence.

Elle était déjà dans le roman. On est allés repérer une galerie marchande, j’ai vu le potentiel de la scène et j'ai tout fait pour l'imposer à mes producteurs. Ce n'était pas simple à mettre en place, je tire mon chapeau à l'équipe technique et notamment au steadycamer. On a énormément galéré pour la mettre en boite, enfin eux tant c'était physique. Il fallait sans cesse suivre François, le précéder, une vraie partie de jonglage, très, très compliquée.

 

 

Ma question Dussollier qui m'a dit un jour :  il y a le film écrit, le film tourné et le film monté, et souvent ce n'est pas la même chose. Cela donne quoi sur Burn Out ?

Cela a été d’assumer à chaque fois l’aspect immersif et sensoriel du récit. Je n'ai fait que le renforcer étape après étape. Quand j’ai commencé le tournage, je n'avais que cet objectif en tête. Je savais que je n'étais pas en face d'un films à twist. Pendant la post-prod, j'ai de nouveau accentué le côté sensoriel en enlevant certains éléments qui pouvaient être plus explicatifs.

 

Un mot sur l’affiche ?

Je l’aime bien, je suis très content, je trouve qu’il y a un peu de tout, l’univers de la banlieue mais en même temps pas que. Elle a un côté très 80's, tendance Carpenter ou Romero, qui me plaît beaucoup.

 burn out - affiche

 

De tes trois films, Burn out est-il ton préféré ?

C’est celui dont je suis le plus fier. En même temps, je crois beaucoup à la pratique, c’est en forgeant que tu deviens forgeron. C'est le film le plus proche de ce que j'avais en tête au départ. C'est aussi celui qui a été le plus difficile à faire. La nuit, les motos, ça a été très dur mais j’avais une équipe phénoménale !

 

Retranscription faite par Mihail Babus.

Publié le 05/01/2018 par Laurent Pécha

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