Le 26 avril 2017, Jonathan Demme nous quittait à l'âge de 73 ans. Le réalisateur a eu une carrière des plus éclectiques passant de ses débuts dans la petite série B chez Roger Corman à l'Oscar du meilleur réalisateur pour Le Silence des agneaux en 1991. Ayant œuvré dans presque tous les genres et surtout dans toute type de production (passant de petit film indépendant au gros film de studio), il ne se contentait pas de la fiction pour s'accomplir. Fan absolu de musique et artiste engagé, Demme a signé, au fil des années, des documentaires qui ont fait date dans leur domaine. Avec plus de 30 crédits en tant que réalisateur, la filmographie de Jonathan Demme a trop souvent été éclipsée par l'incroyable succès de son adaptation du roman de Thomas Harris. Notre filmoguide est là pour rappeler que le monsieur était aussi et surtout autre chose que le réal du Silence....
Le Silence des agneaux (1991)
Le film phare du réalisateur. Son chef d’œuvre. L’un des rares films qui a remporté les 5 Oscars majeurs (film, réalisateur, acteur, actrice, scénario via l’adaptation). Quand on parle thriller, Le Silence des agneaux reste la référence absolue. Un suspense de dingue, des acteurs géniaux (Hopkins compose l’un des méchants les plus charismatiques du 7ème art), des séquences d’anthologie (l’évasion de la cage, la traque dans le sous-sol,…), une bande originale glaçante. Incontournable !
Philadelphia (1993)
Film noble et respectueux sur les ravages du sida, Philadelphia est aussi un passionnant film de procès. C’est un Jonathan Demme très appliqué, en sorte d’élève modèle, que l’on retrouve ici. La trame y est classique, on n’échappe à aucune des passages incontournables d’un film mettant en avant un héros malade et condamné. Il faut pleurer et on le fait aisément mais sans que l’on tombe dans le pathos dégoulinant. Et ce grâce au travail tout en retenu de Demme. Certains trouveront sûrement trop académique. Ils pourront se concentrer sur l’interprétation extraordinaire des deux stars, Tom Hanks et Denzel Washington. Le premier nommé gagnant un mérité Oscar du meilleur Oscar que le second aurait tout autant pu glaner. Et on n’oubliera pas de mentionner la bouleversante chanson du Boss, Bruce Springteen, Streets of Philadelphia, qui lui valut un Oscar.
Un crime dans la tête (2004)
Remake du même nom d’un classique du thriller des 60’s signé John Frankenheimer, Un crime dans la tête transpose très intelligemment le contexte anticommuniste de l’époque. Sous ses airs de gros divertissement efficace, il s’offre même un ton satirique qui en fait un objet politique que l’on revisite aujourd’hui avec un œil nouveau. Le film démontre en tout cas que Jonathan Demme a toujours eu pour l’objet filmique une grille de lecture plus complexe qu’en apparence. Alors, oui, les stars sont là (Denzel Washington en tête toujours parfait), les rebondissements s’avèrent nombreux et parfois bien tirés par les cheveux pour contenter les amateurs de suspense spectaculaire mais il y a cette petite couche presque invisible qui transforme le film de studio en œuvre intrigante voire dérangeante. La Demme touch !
Dangereuse sous tous rapports (1986)
Après Le Silence des agneaux, c’est sans doute l’autre meilleur film de son auteur. Road movie sous influence européenne (l’héroïne ressemble à la Loulou de Louise Brooks) qui mélange les genres avec un côté pulp vivifiant (la bande-son est phénoménale), Dangereuse sous tours rapports doit aussi beaucoup à la fraîcheur de son personnage principal interprété par une Melanie Griffith qui trouve sans doute là son meilleur rôle.
A noter que le film est dispo dans une édition blu-ray française hautement recommandable.
Veuve mais pas trop (1988)
Délicieuse comédie mafieuse qui doit énormément à son casting haut en couleurs (ça cabotine avec bonheur entre Joan Cusack, Mercedes Ruehl, Alec Baldwin ou encore Dean Stockwell). Et aussi à la présence lumineuse de la craquante Michelle Pfeiffer à qui l’univers de la comédie va si bien. Et avec le temps qui passe, le côté désuet et inoffensif (c’est une farce vaudevillesque) fonctionne peut être encore mieux qu’à l’époque.
Rachel se marie (2008)
Peu estimé, Rachel se marie est pourtant un condensé du style Demme. Le réalisateur use de son goût prononcé pour le documentaire pour nous faire entrer dans l’intime d’une famille dont les démons vont éclater au grand jour au moment du mariage de la fille aînée. Le spectateur qui pensait assister à une comédie lambda, sera vite dérouté par un ton sombre mais terriblement juste. Au cœur de ce processus destructeur, Demme révèle le talent immense (insoupçonné à l’époque) d’Anne Hathaway, bien loin des gentils rôles de princesse qui l’ont fait connaître.
Neil Young : heart of gold (2006)
Jonathan Demme a tourné énormément de documentaires. Et particulièrement dans le domaine de la musique, un univers qu’il aimait mettre en lumière plus que tout autre cinéaste de sa génération (sa captation en 1983 du concert des Talkings Heads à Los Angeles, reste encore une référence absolue dans la manière de filmer un live). Parmi ses artistes préférés, Neil Young avait une place particulière et il lui consacra plusieurs films. On a choisi le premier d’entre eux, peut-être le plus facile à se procurer car ayant connu une petite carrière salles.
Jean Dominique, the agronomist (2003)
Une autre facette du documentaliste que pouvait être Jonathan Demme. Ici, il s’agit d’un film plus engagé où le réalisateur proposer un portrait de Jean Dominique, leader assassiné à l’époque où il luttait pour un Haïti démocratique. Une somme d’archives colossales tant les deux hommes étaient proches depuis une quinzaine d’années. Une façon de voir à quel point Demme était un artiste bien différent de ceux de sa génération, bien moins porté sur l’objet filmique à succès que l’on aurait pu imaginer derrière l’étiquette auteur du Silence des agneaux.
Crazy mama (1975)
On aurait pu opter pour son premier film (5 femmes à abattre) qui est encore plus un film d’exploitation que ce Crazy mama. Mais l’esprit des productions Corman est tout autant présent ici. Formé à l’école du roi de la série B américaine, Demme y a tout appris et son Crazy mama d’être aujourd’hui tout aussi kitsch qu’il l’était à sa sortie en 1975. C’est un divertissement de pure exploitation avec une bande-son rock déjà marquante et qui annonce la couleur sur le futur soin qu’apportera Demme à l’univers musical de ses œuvres à venir.
Publié le 27/04/2017 par Laurent Pécha