Au moment où en ouverture de sa plate-forme le 1er décembre, e-cinema.com propose de découvrir le dernier film de la trilogie Outrage intitulé Outrage coda, nous revenons sur la riche carrière de Takeshi Kitano. En plus de 20 ans, le cinéaste japonais s’est imposé comme l’un des auteurs contemporains incontournables. S’il a un peu perdu de sa superbe ces dernières années, plus par le fait que ses films ont eu du mal à être distribués de manière optimale, Kitano reste un réalisateur qui aura su créer son propre style et un univers identifiable entre mille. Il ne faut généralement que quelques instants pour se rendre compte que l’on est face à une de ses œuvres. Sorte de génial héritier de la tragi-comédie, Kitano n'a pas son pareil pour mélanger les genres faisant de ses films des voyages aussi déroutants que fascinants et où la violence se marie avec l'humour de manière le plus souvent inattendue. Bref, l'artiste nippon a une vraie patte que l'on vous propose de (re)découvrir en 9 longs-métrages.
Sonatine (1993)
4ème long-métrage de Takeshi Kitano, Sonatine est le premier film que le public français a pu découvrir en salles en 1995. Le style du cinéaste est déjà à son apogée. Il y établit ce personnage de yakuza taciturne et fatigué que l’on retrouvera fréquemment au cours de son œuvre. Et l’on reconnaît surtout cet incroyable mélange entre violence, poésie et humour qui s’entremêlent sans que jamais on ne sache vraiment lequel va prendre le dessus. A l’image de l’incroyable séquence de roulette russe sur la plage, Sonatine est un condensé parfait de l’univers de Kitano. Une introduction parfaite tout en étant un mètre étalon.
L’Eté de Kikujiro (1999)
Si le cinéma de Kitano et notamment lorsqu’il nous plonge dans l’univers des yakuza, s’avère sombre malgré ses pointes d’humour fulgurantes, il y a un autre versant que L’Eté de Kikujiro illustre magnifiquement. Celui de la nostalgie, de la poésie, du burlesque. Sublimé par une bande-originale inoubliable de Joe Hisaishi (on vous défie de ne pas fredonner la ritournelle du film à la fin du générique), L’Eté de Kikujiro est une œuvre à la liberté totale qui se teinte d’une mélancolie souvent bouleversante.
Zatôichi (2003)
Si Kitano n’a pas son pareil pour nous proposer une vue directe sur la société japonaise contemporaine, c’est aussi un homme respectueux des traditions. Le voir s’attaquer à la figure mythique du sabreur aveugle qui a alimenté le cinéma du pays du soleil levant d’œuvres majeures au fil des années, paraissait presque comme une évidence. Sauf que le réalisateur le fait à sa manière et cela donne une œuvre bien différente de ce que l’on pouvait attendre d’un film de sabre. Aussi déstabilisant que fascinant, Zatôichi permet de voir que le style Kitano s’affranchit des époques et parvient à vampiriser, à l’image de la déroutante séquence de danse finale, tous les codes pourtant très marqués d’un certain cinéma classique nippon.
Hana-bi (1997)
Lion d’Or à Venise, Hana-bi est sans conteste possible dans le trio de tête des œuvres les plus importantes de Kitano. Si on peut lui préférer Sonatine, il n’en demeure pas moins que Hana-bi est un sommet d’expérimentions toutes plus réussies les unes que les autres. Entre narration éclatée, mélange de genres total où l’on passe presque instantanément d’un polar pur et dur à un mélodrame poétique des plus touchants, le 7ème film de Kitano l’imposa définitivement comme un artiste incontournable du 7ème art.
A scene at the sea (1991)
Kitano aime se mettre en scène dans ses films, mais il lui arrive de ne pas apparaître à l’écran comme c’est le cas dans A scene at the sea. On aurait pu choisir l’excellent Kid returns tourné juste avant pour mettre en avant un film de mais sans Kitano mais on a opté pour son troisième film. Sans doute parce que la mer, élément essentiel chez le cinéaste, y est omniprésente. Sans doute surtout parce qu’il s’agit du long-métrage où le réalisateur a fait preuve de la plus grande maîtrise de ses cadres. Chaque plan semble avoir été composé avec une minutie inouïe. En résulte un film à la pureté formelle sublime rendant l’anecdotique (c’est quand même l’histoire que se prend de passion pour le surf) inoubliable.
Anaki, mon frère (2000)
Nouveau millénaire et première (et unique à ce jour) tentative pour Kitano d’exporter son cinéma aux États-Unis. Malgré une durée excessive, il s’agit d’une belle réussite tant l’univers des yakuza sort grandi de son séjour chez l’Oncle Sam. Déjà classieux, les personnages qu’affectionne Kitano sont magnifiés au contact des truands américains. Quant à la mise en scène, sans céder au spectaculaire, elle parvient à se montrer particulièrement marquante et donne l’occasion d’assister à quelques gunfights d’une efficacité saisissante. Au point de regretter que Kitano n’ait jamais eu l’envie ou l’occasion de réitérer l’expérience.
Violent cop (1989)
Le cinéaste ne devait que jouer dans le film. Le désistement du réalisateur pressenti (Kinji Fukasaku) propulsa celui qui n’était que jusque-là l’un des comiques préférés des téléspectateurs japonais (sous le nom de Beat Takeshi) sur l’échiquier des cinéastes qui comptent. Même si l’Occident découvrira ce Violent cop que plusieurs années après sa sortie japonaise. L’occasion de se rendre compte que le style et les thèmes de Kitano étaient déjà bien là, mais encore un peu brut. Pour ce qui est de la gestion réaliste de la violence, tout était, par contre, bien en place !
Glory to the filmmaker ! (2007)
Par le sujet même du film qui voit Kitano s’interroger sur la carrière qu’il aurait pu avoir, Glory to the filmmaker ! est une œuvre incroyablement bancale. Très loin du meilleur du cinéaste, mais cela reste une sorte d’OVNI filmique qui permet d’appréhender un peu mieux un artiste souvent difficile à cerner. Entre sincérité et grosses maladresses, le spectateur vit un voyage épuisant, irritant, mais aussi quelque part unique et mémorable. Et avec ce sentiment final d’être devenu un peu plus proche de l’homme derrière la caméra.
La trilogie Outrage (2010-2017)
En dehors d’une comédie toujours inédite chez nous, Kitano n’a rien tourné d’autre que cette trilogie en l’espace de presque 10 ans. Une sorte de chant du cygne d’un univers qu’il a eu de cesse de décortiquer en 20 ans de carrière. Mais si les précédentes incursions du cinéaste dans le monde des yakuza, s’étaient toujours accompagnées d’un féroce humour, le voyage d’Otomo au pays des puissants chefs de la mafia japonaise, se montre plus tragique en mettant en exergue la violence inhérente à un tel monde. L’occasion pour le réalisateur de nous concocter quelques séquences de flingages et de tortures parmi les plus marquantes de sa filmographie.
Publié le 28/11/2017 par Laurent Pécha