Les spectateurs coréens aiment leur cinéma. Pour preuve dans leur box-office global, seuls 4 films américains parviennent à entrer dans le top 20 de tous les temps. Le phénomène Avatar arrive à la 3ème place (avec 13 624 328 entrées) mais les trois autres sont relégués entre la 17ème et 19ème place (respectivement Avengers : l’âge d’Ultron, La Reine des neiges et Interstellar).
Tous les autres membres du top 20 sont donc coréens et notamment A taxi driver, disponible sur notre plate-forme qui avec 11 868 527 entrées truste la 11ème place du classement. Mais qu’en est-il des autres films que le public français a pu découvrir au fil des années ?
A taxi driver (2017) de Jang Hoon
Il est étonnant de constater que le numéro 1 absolu du box-office coréen, The Admiral : Roaring Currents (Myeong-ryangm heui-o-ri ba-da) et ses 17 614 679 spectateurs n’a non seulement pas eu le droit à une sortie salles en France mais n’est pas non plus disponible en vidéo sous quelque forme que cela soit.
Ce qui n’est pas le cas d’un autre grand champion du box-office en la personne de The Host de Bong Joon-Ho. En 2006, après un succès colossal dans son pays d’origine (13 019 740 entrées, 5ème du classement global), le film est sorti en France sur 223 copies pour 159 439 entrées.
The Host (2006) de Bong Joon-Ho
Un chiffre pas très impressionnant même si le film a connu une belle carrière vidéo par la suite. Le cinéma coréen a beau avoir émergé au début des années 2000, il a toujours eu du mal à attirer les foules malgré une reconnaissance dans les festivals et des éloges de la presse.
Pour preuve, un cinéaste comme Park Chan-wook qui a marqué l’empreinte du box-office de son pays à plusieurs occasions. Notamment dès le passage au 21ème siècle avec Joint Security Area avec 5 830 000 entrées en 2000. En France, le film est sorti en vidéo en 2009 mais va connaître une sortie salles dans quelques mois (le 27 juin prochain). Old boy, son opus le plus célèbre qui lui valu un très mérité Grand Prix au festival de Cannes en 2004, n’a pas été un champion du box-office français avec 141 031 entrées. Certes, le film n’est sorti que sur 84 copies mais on est loin de l’engouement coréen où le long-métrage a attiré 3 260 000 spectateurs.
Old boy (2003) de Park Chan-wook
En revanche, son dernier opus en date, Mademoiselle, sorti en France en novembre 2016 peut s’enorgueillir d’être l’un des plus beaux succès coréens dans l’hexagone. Avec 301 115 spectateurs pour seulement 65 copies, le film montre que les spectateurs sont désormais plus enclins à découvrir les œuvres venant du pays du matin calme.
Il faut dire qu’entre temps, les films coréens ont marqué plus d’une fois les esprits. Il est loin le temps où Nom de code : Shiri de Kang Je-gyu débarquait timidement en France, fort pourtant d’un solide box-office de 5 820 000 entrées (66ème au classement du BO coréen), pour ne faire qu’un petit 11 237 entrées. Ou encore quand Frères de sang de Kang Je-Gyu voyait son immense triomphe coréen (11 746 135 entrées soit le 12ème au classement du BO coréen) se transformer en un faible 28 078 entrées malgré un nombre de salles correct (109 copies).
Frères de sang (2004) de Kang Je-Gyu
La raison d’une véritable attirance pour le cinéma venu de Corée est de toute évidence à chercher du côté de la qualité des œuvres. Prenant la relève d’un cinéma hong-kongais qui s’essoufflait, les coréens ont eu l’occasion par l’intermédiaire de cinéastes talentueux, Bong Joon-Ho et Na Hong-jin en tête, de proposer des polars fascinants. Et ce dès juin 2004 où l’extraordinaire Memories of murder sortait sur nos écrans après avoir attiré chez lui 5 255 376 spectateurs (80ème au classement du BO coréen). Le public français n’était pas encore vraiment au rendez-vous mais avec 67 087 entrées en seulement 35 copies, il y avait visiblement un palier de franchi. Il faudra attendre par contre quelques années pour voir le premier film en France de Na Hong-jin. Après 5 071 619 entrées en Corée, The Chaser arrive sur 59 copies françaises et engrange 70 612 entrées en 2009.
Memories of murder (2003) de Bong Joon-Ho
L’année précédente, un autre film coréen avait fait parler de lui après un score impressionnant au box-office (6 6686 949 entrées, 54ème au classement du BO coréen). Il s’agit de Le bon, la brute et le cinglé de Kim Ji-woon qui en France parvient à dépasser la barre fatidique des 100 000 entrées (102 239 entrées France en 95 copies)
En 2011, après une présentation à Cannes et un gros succès sur ses terres, Na Hong-jin revient avec un nouveau polar, The Murderer, pour un score plus discret au box-office français (seulement 48 934 entrées). Le nombre de copies très réduit (22 écrans) l'a toutefois énormément pénalisé.
The Murderer (2010) de Na Hong-jin
En 2013, c’est en revanche une toute autre histoire pour son compatriote, Bong Joon-Ho qui avec son Snowpiercer, le transperceneige obtient le plus gros succès à date d’un film coréen sur le sol français. Et de loin puisque le film totalise 678 049 entrées. Il faut dire que le carton coréen de l’année (9 350 227 entrées en Corée, soit la 21ème place du classement de tous les temps) a bénéficié d’un nombre important de salles. Avec 302 copies, on est en présence d’une grosse sortie nationale, le distributeur français ayant sans doute été encouragé par l’aspect international du projet (roman graphique français et surtout acteurs anglo-saxons très connus comme Chris « Captain America » Evans ou Tilda Swinston).
Snowpiercer, le transperceneige (2013) de Bong Joon-Ho
Malheureusement, la Corée ne surfera pas sur l’engouement faute de nouvelles sorties importantes. Il faudra attendre 2016 et la riche sélection cannoise pour que l’on entende à nouveau parler de ce phénoménal vivier cinématographique. Avec trois films (un en compétition, un en hors compétition et un en séance de minuite), le festival de Cannes est sous le charme. Outre Mademoiselle déjà évoqué, on retrouve le troisième film de Na Hong-jin à sortir chez nous après avoir cartonné en Corée (6 877 946 spectateurs, 50ème au classement du BO coréen). Il s’agit du formidable The Strangers (2016). Malheureusement, son sort n’est guère plus envieux que les précédents opus du cinéaste puisque le film finit sa carrière avec 61 153 entrées (sur 39 copies).
The Strangers (2016) de Na Hong-jin
Le troisième larron est un film d’horreur qui avait fait sensation lors de sa séance de minuit sur la croisette : l’impressionnant Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho. Succès colossal en Corée avec 11 563 794 spectateurs (13ème au classement du BO coréen), le long-métrage a fait un score honorable chez nous avec 275 938 entrées sur 198 copies. La comparaison avec les chiffres de films de zombies made in France comme La Horde (58 584 fans d’hémoglobine en 2010 avec 119 copies) montre bien que la qualité peut engendrer un vrai désir chez le spectateur.
Dernier train pour Busan (2016) de Yeon Sang-ho
Encore faut-il savoir bien mettre en avant l’œuvre et/ou de bénéficier d’un tremplin médiatique conséquent comme le fut le festival de Cannes pour les films précités. Car, sinon, cela peut vite être la soupe à la grimace comme le confirment les deux dernières productions coréennes de genre à être sorties chez nous. L’an dernier, Tunnel de Kim Seong-hoon dispose de 117 copies en France tout en s’appuyant sur un joli carton en Corée avec 7 120 172 entrées (45ème au classement du BO coréen). Mais, il ne séduit pas beaucoup les spectateurs français avec seulement 80 524 entrées. C’est bien pire pour l’un des récents vainqueurs du box-office coréen, Battleship island de Ryoo Seung-wan et ses 6 575 661 spectateurs, qui n’a attiré que 2075 cinéphiles français. Et pour cause, le film n’était disponible en mars dernier que sur une seule copie (parisienne).
Battleship island (2017) de Ryoo Seung-wan
Malgré une belle percée et surtout une reconnaissance absolue de la critique et des festivals (le Festival du film coréen à Paris a fêté en octobre 2017 sa 12ème édition), le cinéma coréen peine encore malgré quelques beaux exemples à trouver son public en salles. Pour autant, l’accessibilité d’un des tous meilleurs cinémas du monde se fait de plus en plus par d’autres moyens de diffusion. Comme le cinéma chez soi que prône e-cinema.com. A vérifier avec l’excellent A taxi driver et sa mise en lumière d’une page sombre de l’Histoire de la Corée, le soulèvement de Gwangju.
Publié le 02/04/2018 par Laurent Pécha