Le cinéma, ça coûte de l’argent et du temps. Il est donc important de faire parfois le tri dans ce qui sort en salles. Cette semaine, on peut aller danser et chanter sous le soleil grec, partir à la chasse au tueur sous la pluie chinoise, loger dans un hôtel futuriste de Los Angeles ou encore se lancer dans la garde improvisée d'enfants en bas âge.
1- Mamma Mia ! Here we go again d’Ol Parker avec Amanda Seyfried, Lily James, Meryl Streep, Cher, Pierce Brosnan, Colin Firth, Stellan Skarsgard (USA, Comédie musicale, 1h54)
Pourquoi il faut y aller ?
La suite que l’on n’attendait pas/plus. Dix ans se sont écoulés et on aurait pu croire à un projet un peu en mode « et si on refaisait le coup d’ABBA en Grèce pour voir si on peut se faire quelques billets verts faciles ». C’était sans compter les hommes derrière la machine : exit la mauvaise Phyllida Lloyd (qui n’a rien tourné depuis le déjà pas terrible La Dame de fer en 2011) et place à un duo Ol Parker-Richard Curtis. Et le nom de Curtis derrière un scénario, ça donne tout de suite confiance puisque le monsieur est quand même responsable des scénarios de perles incontournables de la rom-com : 4 mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill ou encore Love actually qu’il a aussi réalisé. Pas étonnant alors que Mamma Mia 2 se donne des airs de Parrain 2 (si, si, vous avez bien lu) en nous racontant deux histoires en parallèle à deux époques différentes : Sophie qui tente de rendre hommage à sa mère en réouvrant en grandes pompes son hôtel et une jeune Donna découvrant l’île et ses amours qui donneront naissance à sa fille. Inspiré, Ol Parker soigne ses transitions offrant un spectacle visuel 1000 fois supérieur à sa devancière. Il a parfaitement compris contrairement à beaucoup que l’impact d’un film dansé réside dans sa capacité à ne pas sur découper les plans, mais au contraire laisser les danseurs se mouvoir dans le cadre. Des acteurs qui semblent d’ailleurs tous ravis de se prêter à nouveau au jeu et qui ont tous un moment pour briller. Le nec plus ultra étant l’arrivée (tardive) de Cher qui semble comme une évidence dans un tel spectacle. Tout est mieux dans cet opus 2 et ce même si les chansons pourront apparaître moins connues que les standards du premier. Mais ce qui fait chavirer le film dans une autre dimension, c’est la présence de Lily James. Tornade d’émotions, électrisant l’écran à la moindre de ses apparitions, la jeune actrice est phénoménale en jeune Meryl Streep. Sexy, drôle, chantant et dansant à la perfection, elle est l’immense révélation d’un œuvre certes euphorisante, mais qui montre aussi à quel point les chansons d’ABBA sont le plus souvent tristes et remplies d’amertume. A l’issue d’un générique de fin en forme de bœuf ultime, on a qu’une seule envie : y retourner et surtout prier pour qu’un éventuel numéro 3 ne mette pas dix ans à se faire.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Vous n’avez pas aimé le premier et surtout vous êtes hermétiques à la musique d’ABBA, ce numéro 2 n’est pas fait pour vous. Attention spoiler : la raison qui vous pousse à aller voir le film s’appelle Meryl Streep. Étant donné qu’elle est morte (c’est le postulat de base du récit), il faudra prendre son mal en patience pour la voir. Même si son apparition est assurément le moment le plus fort émotionnellement du film.
2- Une pluie sans fin de Dong Yue avec Duna Yihong, Jiang Yiyan, Du Yuan (Chine, Policier, 1h59)
Pourquoi il faut y aller ?
Plébiscité au dernier festival du film policier de Beaune où il a remporté le Grand Prix, Une pluie sans fin est l’occasion trop rare de découvrir un polar chinois. Un genre où ces dernières années, l’Asie a brillé avec la Corée du Sud en prenant doucement mais sûrement la place du polar hong-kongais. D’une maîtrise formelle souvent époustouflante (ancien chef op, Dong Yue a particulièrement soigné sa photo d’une beauté saisissante), cette longue quête d’un tueur ne cherche jamais à en mettre plein la vue et fait la part belle à des personnages fouillés, comme le montre la touchante sous-intrigue amoureuse du récit. S’appuyant sur des références qu’il revendique (difficile de ne pas penser à Seven de David Fincher d’autant qu’une poursuite au sein d’une usine désaffectée y renvoie presque directement), Dong Yue impose un style d’une maturité étonnante pour un premier film tout en oubliant jamais de glisser sur une pente plus politique et laisser ainsi découvrir une Chine contemporaine que l’on n’a pas eu trop l’habitude de voir au cinéma.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Les amateurs de polars qui aiment que les flingues parlent à la place des mots, seront sûrement frustrés face à un récit qui prend (trop) son temps. On peut également regretter que l’originalité du film se fasse un peu trop souvent la malle en allant puiser son inspiration dans des œuvres incontournables du genre (on a cité le Fincher mais on aurait pu tout autant évoquer un Memories of murder ou les grands thrillers hitchcockiens que le réalisateur chinois affectionne tout particulièrement). Il y a aussi un côté mélange des genres certes audacieux, mais pas assez digéré qui laisse entrevoir un cinéaste loin d’être totalement maître de son sujet entre cinéma social d’auteur et pur thriller. Enfin, face au foisonnement de ce que veut traiter Dong Yue, le rythme du film s’en ressent et il n’est pas interdit de penser que certains trouveront les presque deux heures un peu trop longues.
3- Roulez jeunesse de Julien Guetta avec Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Rouan, Philippe Duquesne (France, Comédie, 1h24)
Pourquoi il faut y aller ?
Pour découvrir une facette d’Eric Judor que l’on n’avait pas encore assez vue jusqu’alors. Le bonhomme n’est pas juste qu’un comique d’exception, il est aussi capable de faire naître de belles émotions. Et Roulez jeunesse constitue le parfait véhicule pour cela. Dans ce rôle de garagiste encore très ado qui n’a pas coupé le cordon avec une mère très protective et qui se voit contraint de s’occuper d’enfants en bas âge du jour au lendemain, le comédien fait des étincelles. Bien sûr, les situations avec les enfants et les rebondissements extravagants qu’ils font naître est source de séquences comiques réjouissantes, mais le ton du film devient vite plus sombre avec cette recherche de la mère disparue et le sort qui pèse sur ces gamins abandonnés. Et Judor de nous prouver qu’il est tout à fait à l’aise pour mener cette facette du récit. D’autant que pour son premier film, Julien Guetta évite de tomber dans tout excès et livre une œuvre sincère et plus d’une fois très touchante.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Il ne faut pas se tromper sur la marchandise d’autant que la bande-annonce laisse entrevoir un film avant tout comique (toutes les séquences où Judor galère avec les gosses sont dedans) : Roulez jeunesse n’est absolument pas une pure comédie potache. Le mélange des genres peut d’ailleurs laisser perplexe même si la bascule se fait en douceur au fil du récit. Malgré une tenue scénaristique indéniable, le film manque d’inventivité en termes de mise en scène. Même si la durée est étonnamment courte, le rythme n’est pas pour autant soutenu.
4- Hôtel Artémis de Drew Pearce avec Jodie Foster, Sterling K. Brown, Sofia Boutella, Jeff Goldblum, Dave Bautista (USA, Thriller, 1h34)
Pourquoi il faut y aller ?
Pour son solide casting. Et surtout l’occasion de revoir Jodie Foster absente de nos écrans depuis 5 ans et Elysium. La comédienne est l’énorme point fort de ce thriller futuriste qui manie l’univers du huis-clos avec un certain savoir-faire. Sans doute parce que Drew Pearce, pour son premier film, fait appel à ses qualités d’écriture déjà aperçues sur Iron Man 3. Dans ce repaire de criminels en tous genres qu’est l’hôtel Artémis, le réalisateur fait attention à soigner la psychologie de ses personnages. A commencer donc par cette nurse au passé sombre (elle ne s’est jamais remise de la mort tragique de son fils) que Jodie Foster campe admirablement bien. Elle est littéralement la clé de voute de l’intrigue. Vieillie pour l’occasion, l’actrice fait preuve d’une justesse parfaite alors même que son rôle est chargée. Autour d’elle, on retiendra surtout l’autre personnage féminin incarné par une Sofia Boutella qui n’en finit pas de s’épanouir dans le cinéma américain tout en déployant encore une fois ses impressionnantes aptitudes physiques.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Si la direction artistique du film est particulièrement réussie, nous plongeant dans un Los Angeles futuriste intriguant, la mise en scène est bien trop sage. Encore un peu trop scénariste avant d’être réalisateur, Drew Pearce a du mal parfois à sortir de ces longues séquences dialoguées. Le film fait gentiment du sur-place, les enjeux peinant à se renouveler. Malgré la conviction des comédiens, on a l’impression de se retrouver face à un exercice de style orchestré par un cinéaste cherchant à prouver sa valeur.
Publié le 25/07/2018 par Laurent Pécha