Pays : USA
Durée : 1h55
Genre : Drame, thriller
Sortie : 24 janvier 2018
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson, Bob Odenkirk, Bruce Greenwood, Tracy Letts
Histoire : En 1971 éclate aux Etats-Unis l'affaire des "Pentangon Papers", vaste fuite de renseignements liés à la Guerre du Vietnam. Les documents rendus publics par le Washington Post éclaboussent alors la classe politique US de l'époque.
Si faire du cinéma est un acte politique, Spielberg est depuis plus de 40 ans le plus grand militant de la planète. Sauf que le réalisateur ne s’était pas directement frotté à la sphère politique durant la plus grande partie de sa carrière. Privilégiant un angle plus historique (on pense à Empire du soleil, La Liste de Schindler ou encore Munich et plus récemment Cheval de guerre), le papa de E.T. a changé d’optique depuis sa rencontre avec le plus célèbre des Présidents américains, Lincoln. Hormis un Bon gros géant qui lui permit avant tout de rappeler sa place de conteur d’histoires, le cinéma de Spielberg s’inscrit depuis Lincoln en guide éclairé et pédagogue. Le paradoxe veut que pour nous parler de notre époque et mettre en exergue les garde-fous nécessaires, le cinéaste ait besoin de plonger dans une époque quelque peu éloignée. Mais, à bien regarder sa filmographie, force est de constater que Spielberg aime plonger ses protagonistes et spectateurs dans des périodes d’un autre temps pour mieux faire rejaillir l’universalité de son propos et ainsi rappeler que l’Histoire est souvent un éternel recommencement.
Et quand justement le bonhomme ressent en son for intérieur que l’administration Trump est sur le point à tout moment de mettre à mal certaines des valeurs fondamentales qu’il chérit, il prend les « armes », sa caméra et ses idées de narration toujours aussi magistrales pour signer une œuvre de résistance. Une œuvre faite dans l’urgence (à peine une année sépare les prémices du projet de sa sortie en salles) qui se ressent constamment à l’écran. Pentagon Papers file à la vitesse de l’éclair (une deuxième vision s’impose d’emblée pour en tirer toute la substantielle moelle). On y suit un double combat passionnant que Spielberg parvient avec une maestria impressionnante à mêler sans que jamais l’un prenne le pas sur l’autre : la liberté de la presse et le féminisme.
Évoquant une histoire moins connue que celle du Watergate qui vit Nixon démissionné de la présidence des USA, Spielberg pose en une première demi-heure d’une fluidité stimulante tous les enjeux de son récit. Faisant écho au dilemme qu’il avait parfaitement mis en lumière dans Lincoln (doit-on être hors-la-loi pour le bienfait de tous ?), Pentagon Papers laisse ses protagonistes se poser les questions d’éthiques de savoir s’il faut publier des papiers classés secret défense prouvant que le gouvernement sait depuis longtemps à quel point l’intervention américaine au Vietnam est néfaste pour le pays.
Un enjeu de taille que Spielberg filme à la façon d’un thriller avec une série de séquences au rythme haletant faisant (re)découvrir à quel point la nécessité d’informer ses concitoyens était un sacré sacerdoce. Il faut voir cette étonnante scène où les principaux membres du journal se lancent dans la maison de leur rédacteur en chef (Tom Hanks toujours aussi dans son élément chez Spielberg) à la pêche aux documents compromettants avec la montre qui tourne contre eux.
L’autre bataille que le film met en évidence et qui est donc tout aussi importante, est celle de la place de la femme dans les hautes sphères de décisions. Avec Meryl Streep pour incarner cette directrice du Washington Post, bien décidée à démontrer qu’elle n’est qu’une simple héritière mais une patronne visionnaire, Spielberg s’est trouvé la meilleure des alliées. La comédienne incarne à elle seule dans la vraie vie tout ce que les valeurs que le film défend, à commencer cette farouche opposition à Trump et sa présidence. Pour autant, l’actrice ne fait jamais du fan service et parvient totalement à s’effacer derrière le personnage, livrant une nouvelle fois une prestation oscarisable.
S’il avait pu paraître un poil en perte de vitesse avec ses derniers films (eu égard à sa prestigieuse filmographie), Spielberg prouve avec Pentagon Papers qu’il n’en est rien. Le maître de la narration cinématographique, c’est lui et personne d’autre. Pour preuve, cette géniale inspiration qui prend le risque de sucrer aux spectateurs ce qui en d’autres mains moins inspirées auraient servi de scène phare du film. Une certaine façon de rappeler que s’il est bien le digne héritier de Ford et Capra, il est également tout simplement Spielberg. Le plus grand conteur d’histoires vivant !
Publié le 24/01/2018 par Laurent Pécha