Dans le premier film de Shults (disponible en film de le semaine ici), Krisha décide de rendre visite à sa famille pour les fêtes de noël après des années d’absence. Une arrivée lourde de sens qui va mettre en péril l’équilibre de la famille. Un thème récurrent dans le cinéma mondial au point que la conception de notre top 10 a été particulièrement délicate à faire.

De grands films sur les familles dysfonctionnelles n’ont pas eu le droit de concourir car il n’y avait pas à proprement parler d’arrivée dans le cocon familial (on pense à ces deux grands films que sont Festen et Un conte de Noël qui auraient pu truster les premières places) ou cette intrusion concernait un étranger et non un membre de la famille (Théorème de Pasolini en tête ou encore The Handsmaid de Im Sang-soo).

Il y aussi de grands absents alors qu’une grande partie de leur œuvre tourne autour de ce thème : Woody Allen et plus récemment Xavier Dolan qui avec respectivement Intérieurs ou Juste la fin du monde auraient pu prétendre entrer dans ce top.

On rappelle donc les règles : comme dans Krisha, il faut que le film évoque le retour ou l'arrivée d'un membre de la famille et que cette situation puisse créer un certain bouleversement dans une cellule familiale peut-être déjà bien vacillante.

10- Gaspard va au mariage (2017) d’Antony Cordier

Il est beaucoup question de mariage dans ce top. Et pour cause, c’est bien un des endroits où les familles se retrouvent pour le meilleur et parfois le pire. En l’occurrence, ici et eu égard à ce que nous réserve le haut du classement, on commence en douceur.

Dans cette comédie qui sort sur nos écrans le 31 janvier prochain, le retour d’un des fils dans le zoo familial avec une jeune femme fantasque ayant accepté de prétendre être sa petite amie le temps du mariage, va nous permettre de découvrir une famille gentiment détraquée. Entre un père, futur marié, mais incapable de dire non à ses ex, une jeune sœur qui ne quitte jamais sa peau d’ours et un frère des plus cartésiens, Gaspard se rappelle vite pourquoi il s’est tenu écarté de cet univers pendant de nombreuses années.

Sur un ton toujours léger et bienveillant, Antony Cordier orchestre des retrouvailles singulières, mais toujours très attachantes. Tout est ici une question de regard !

9- La famille Tenenbaum (2001) de Wes Anderson

Les attendrissants personnages fêlés, Wes Anderson les maîtrise à la perfection. Mais, peut être jamais aussi bien que dans cette famille new-yorkaise qui souffre d’un destin qui n’a pas été ce qu’elle espérait. La faute à un père volage, alcoolique et démissionnaire. Cela tombe bien, ruiné, il revient demander l’hébergement à son ex, l’occasion d’entrer au cœur de cette fratrie qui se voile la face et garde toujours un œil dans le rétro du passé. Tristement savoureux !  

8- Le Prénom (2011) d'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte

Point de personne qui fait irruption. Non, ici, c’est bien plus abstrait. C’est le choix et la révélation d’un prénom, celui du futur nouveau-né de la famille, qui va mettre le feu aux poudres et déclencher une succession hilarante d’attaques en tous genres. Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ? Pour nous spectateurs, c’est un grand oui dans cette comédie souvent irrésistible, une des meilleures adaptations de pièces de théâtre vues récemment.  

7- Le Retour de Martin Guerre (1982) de Daniel Vigne

Un incontournable des soirées télé. Une belle reconstitution d’époque qui nous fait presque sentir l’odeur du crottin. Et aussi un léger hors-jeu dans notre top. Le retour de la guerre du mari prodigue vient effectivement plus foutre le boxon dans le village qu’au cœur de la couche de madame, bien heureuse de retrouver son homme. Et tant pis, si ce n’est peut-être pas le sien. Faut dire qu’un Gégé de la grande époque, ça ne se refuse pas !

6- Tout va bien ! The kids are all right (2010) de Lisa Cholodenko

Lors de la réunion familiale, un toast est lancé : « A une famille pas comme les autres ». Il ne peut pas mieux résumer la situation où autour de la table se trouvent un couple lesbien, leur ado respectif et le père biologique, donneur de sperme. L’arrivée de ce dernier dans le cercle familial, du au désir d’un des enfants de connaître son géniteur, va mettre à mal les relations du duo Annette Benning-Julianne Moore.

A l’image de son titre qui annonce la couleur, on reste toutefois sur le ton de la comédie et les blessures d’un temps se refermeront très vite. Il faut dire qu’il est bien difficile d’en vouloir longtemps à cette bonne bouille de Mark Ruffalo.

5- Margot va au mariage (2007) de Noah Baumbach

Noah Baumbach aurait pu placer d’autres films dans ce top (Les Berkman se séparent notamment) tant le cinéaste new-yorkais aime scruter ces familles sur le point de craquer. Celle de Margot (formidable Nicole Kidman qui se renouvelle totalement ici) va prendre de plein fouet cette femme, fusionnelle avec son fils, qui a bien du mal à accepter son futur beau-frère. L’occasion de régler des comptes avec sa sœur (intense Jennifer Jason Leigh) et de nous offrir un ton tragi-comique délicieusement déstabilisant.

Récemment, c’est ce qui se fait de mieux pour personnifier le dicton « famille, je vous aime, famille, je vous hais ».  

4- Rachel se marie (2008) de Jonathan Demme

Très proche dans sa structure de Krisha, le sous-estimé film de Demme nous plonge dans l’intimité d’une famille qui va être mise à mal par le retour de la fille cadette au moment où se prépare le mariage de l’aînée. Jouant habilement avec l’image (à l’époque du moins) de gentille princesse Disney que véhiculait Anne Hathaway, Demme transforme ce qui aurait pu être une douce comédie amère en radiographie bouleversante sur les démons qui hantent (presque) toutes les familles.

3- L’ombre d’un doute (1943) d’Alfred Hitchcock

Un peu de suspens dans ce top. Et pas des moindres avec un des plus grands films du maître du genre. L’arrivée du charmant oncle Charlie dans la famille de sa provinciale de sœur va créer un sérieux doute dans l’esprit de sa nièce, la jeune Charlie. Et si le passé du tonton ne cachait pas un dangereux secret ?

Entre ambiguïté et perversité, Hitchcock signe un film sur le passage à l’âge adulte particulièrement retors qui donne en plus envie de vérifier par deux fois les agissements de certains membres de sa famille. « Dis donc, tonton Serge, tu faisais quoi déjà quand tu es descendu à la cave le soir du réveillon il y a 15 ans ? » 

2- Un tramway nommé désir (1951) d’Elia Kazan

Ah cette sacré Blanche Dubois ! La quintessence du personnage névrosé au cinéma. A côté d’elle, Krisha est un enfant de cœur. Alors, forcément, le retour chez sa sœur ne va pas très bien se passer.

Explosive, débordante, toujours prête à démarrer au quart de tour, Blanche n’a pas besoin de grand-chose pour que la tragédie inonde l’écran. Et un Marlon Brando tout en sensualité exacerbée, ça suffit largement !   

1- Sonate d’automne (1978) d’Ingmar Bergman

Une famille plus restreinte ici puisqu’il est question avant tout d’une relation entre une mère et sa fille. L’occasion de déterrer le passé lors d’une nuit éprouvante. A l’heure de clore une carrière prestigieuse, Ingrid Bergman trouve sous la caméra de son illustre homonyme un rôle magistral.

Huis-clos étouffant, lourd de sens, Sonate d’automne dresse l’implacable bilan d’une vie passée et les reproches et regrets qui vont irrémédiablement avec. Il n’est parfois pas bon d’être parent !